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Taijiquan dans les parcs (2) : Secret de l’enseignement traditionnel

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Nous avons vu dans la première partie de cet article que la pratique du Tai Chi Chuan dans les parcs était en Chine, un phénomène très récent. Débuté au milieu des années 1990, il a d’abord été cantonné aux grandes villes de la côte Est, s’est ensuite étendu aux villes secondaires, puis récemment aux chefs-lieux de district.

Nous y avons également vu que, sauf cas exceptionnel, les styles de Taijiquan pratiqués dans les parcs étaient des formes modernes simplifiées du Taijiquan.

Mais il y plus, et plus important encore. Nous verrons dans cette deuxième partie que l’enseignement du Taijiquan dans les parcs est par essence anti-traditionnel et que, dans les faits, tout oppose l’enseignement moderne du Taijiquan dans les parcs, et celui, traditionnel, des cours intérieures.

A travers quelques dictons du Taijiquan de Chenjiagou – comme celui précisant que « on ouvre la porte pour les élèves, on la ferme pour les disciples » – nous y abordons aussi la distinction concomitante entre élèves et disciples. Chemin faisant, nous effleurerons aussi quelques aspects des relations traditionnelles entre maîtres et disciples, notamment les différents sens à donner à la durée classique de trois années nécessaires avant de devenir disciple ou encore la symbolique des portes en Chine.

Taijiquan dans les parcs et secret de l’enseignement traditionnel

Traditionnellement, le Taijiquan n’était en effet jamais pratiqué ni enseigné dans des parcs car il n’était en aucun cas enseigné au vu et au su de tous dans un espace public. L’enseignement était privé, secret, et réservé aux seuls membres du clan du village de Chenjiagou.

Même à l’intérieur du village, l’on ouvrait l’enseignement familial, non pas de manière indifférenciée à tous les membres du clan, mais on le conditionnait également à l’appartenance à la famille directe, ou encore, à l’une ou l’autre des différentes branches du clan.

culte des ancêtres chenjiagou
Culte des ancêtres en Chine

Par ailleurs, les affinités personnelles du maître avec l’un ou l’autre de ses disciples d’une part, et les capacités individuelles des disciples d’autre part, amenaient toujours le maître de Taijiquan à ne pas enseigner de manière identique à tous ses disciples, que ce soit sur le fond ou sur la forme.

Cela avait le double avantage de personnaliser l’enseignement mais aussi de sélectionner ce que l’on voulait transmettre, ou non, à chacun, et donc de réserver des éléments importants de l’enseignement à certains.

Enfin, comme je l’explique parfois à mes élèves, traditionnellement, le maître de Taijiquan se gardait bien de trop donner trop rapidement. Là encore, il s’agissait à la fois d’une raison pédagogique – on ne demande pas à un élève de CM2 de résoudre des équations différentielles1 – mais aussi de se réserver le droit de ne pas en dire plus que nécessaire, de ne pas dire tout ce que l’on aurait pu dire.

Il fallait en effet d’abord, pour le maître, apprendre à mieux connaître ses disciples, afin de s’assurer de la « vertu martiale » wude 武德 de ces derniers.

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Taijiquan style Chen dans le parc du musée de Chenjiagou

Les cas pouvaient bien entendu varier selon le degré de proximité familiale, mais la durée de cette période probatoire à Chenjiagou, pendant laquelle on n’enseignait que les éléments externes de la pratique, était généralement considérée comme devant être de trois ans.

C’était, dans la mentalité traditionnelle, le temps minimum nécessaire pour arriver à vraiment connaître quelqu’un. C’était aussi le moyen pour l’enseignant d’assurer sa subsistance avec des revenus fixes pendant ces trois années. En effet, alors qu’un élève paye un prix, en principe identique pour tous, pour  l’enseignement qu’il reçoit, il arrête de le faire lorsqu’il devient disciple. Il ne paye alors plus son maître.

Il faut ainsi généralement que le maître ait une très grande confiance en son élève pour qu’il décide de le prendre comme disciple avant cette durée habituelle.

Avant l’apparition des activités de service commerciales, le disciple rétribuait son maître sous la forme de présents rituels ou, lorsqu’il était trop pauvre pour pouvoir le faire, il se mettait à son service et effectuait toutes les tâches que celui-ci pouvait lui demander (comme ce fut par exemple le cas pour Wang Yan quand il devint le disciple de Chen Yanxi, le père de Chen Fake).

Actuellement encore, les disciples ne payent pas leur maître pour son enseignement mais lui offrent – souvent lors d’occasions rituelles comme le jour de l’an, pour célébrer une naissance ou encore pour l’anniversaire du maître – des présents allant du carton de fruits à la viande séchée, en passant par les maintenant classiques « enveloppes rouges » hongbao 红包 avec des espèces.

Nous verrons ci-dessous que ces trois années avaient aussi une autre signification.

Bien que cet enseignement traditionnel hautement sélectif et personnalisé du Taijiquan se soit adouci dans ses exigences avec la modernité, il persiste néanmoins pratiquement inchangé dans ses grands principes, aujourd’hui encore.

Ainsi, enseigner le Taijiquan dans un parc public reste une ineptie dans l’enseignement traditionnel.

Sommaire Taijiquan Parc (2)

Taijiquan dans les parcs et enseignement derrière la porte

Le lieu de cet enseignement traditionnel du Taijiquan, bien loin de celui des parcs publics des grandes villes, était généralement la cour intérieure de la demeure du maître.

L’architecture traditionnelle des maisons chinoises, et largement encore actuellement, celle des campagnes, répondait à plusieurs principes de construction qui voulaient notamment que la maison fût entourée de quatre murs d’enceinte, sans aucune fenêtre, et possédât une porte d’entrée unique, idéalement orientée au Sud, et donnant sur une cour intérieure.

Ces murs borgnes protégeant la maison sont d’une telle importance symbolique qu’aujourd’hui encore, l’on commence souvent la construction d’une maison en dressant tout d’abord les quatre murs extérieurs délimitant la future demeure.

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Murs extérieurs sans fenêtre des maisons chinoises : façade avant traditionnelle

 

Une fois la porte principale de la demeure fermée, l’enseignement du Taijiquan se faisait à l’abri des regards indiscrets dans la cour intérieure.

La symbolique de la porte est extrêmement prégnante dans la culture chinoise et mériterait à elle seule un long développement. Je me bornerai ici à en esquisser quelques aspects. 

En dehors de son sens pratique le plus immédiat, le caractère « porte » 门 (mén) symbolise en Chine, la famille. De même, le mot désignant le ménage, la maisonnée, est le caractère户 (hu), qui signifie également porte, était celui employé par l’administration impériale pour recenser les ménages soumis à l’impôt. A l’origine, hu était étymologiquement une porte à simple battant et men était une porte à double battant.

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Porte traditionnelle (moderne) à Chenjiagou

Le caractère 门 mén est, dans cette acception, le parfait équivalent du mot « foyer » en français, signifiant à la fois l’âtre et le lieu de résidence de la famille. En Chine, celui qui appartient à la famille n’est pas celui qui se réchauffe au même foyer mais celui qui peut passer la porte et est admis à l’intérieur.

Alors que le foyer est ce qui rassemble autour d’un lieu unique au centre de la maison, la porte est ce qui divise et sépare le monde intérieur nei 内 du monde extérieur wai 外, ce qui différencie les membres de la famille, des étrangers.

En Chine traditionnelle, marquée par la stricte séparation des sexes, cette opposition était aussi celle qui délimitait le monde des femmes, à l’intérieur, de celui des hommes, à l’extérieur.

La spatialité, marquant le degré d’intimité ou d’extériorité, est en effet conçue comme allant graduellement de l’espace le plus extérieur, celui des étrangers, en dehors des murs, à l’espace le plus intérieur, à l’opposé de l’entrée principale.

C’est l’ouverture de la porte principale qui permet de passer d’un monde à l’autre et l’ouverture des portes intérieures qui donne accès aux sphères les plus privées.

Sommaire Taijiquan Parc (2)

Enseignement caché du Taijiquan des cours intérieures

En ce qui nous concerne plus particulièrement ici, à l’inverse du monde ouvert et public des parcs, la première porte à franchir est la porte principale de la demeure qui permet d’accéder à la cour intérieure où se déroulait traditionnellement l’enseignement du Taijiquan.

Ce court extrait, filmé début mars 2019 à Chenjiagou, montre deux jeunes disciples de Taijiquan style Chen Xiaojia s’entraînant dans la seconde cour intérieure de la maison de leur maître Chen Chun Sheng. De bien belles sorties de force 😎

Dans le monde traditionnel du Taijiquan, prendre un disciple revient à le faire entrer dans la famille.

Cette famille étendue reprend d’ailleurs une partie des termes de la parenté. Ainsi le maître est appelé shifu 师父 où le caractère fu 父 signifie « père », le maître du maître est appelé shiye 师爷 où le caractère ye 爷 signifie « grand-père », la femme du maître est appelée shimu 师母 où le caractère mu 母 signifie la mère.

Les disciples entre eux s’appellent shixiong 师兄 ou shidi 师弟 où les caractères xiong et di signifient respectivement « frère aîné » et « frère cadet ».

Signalons en passant que, contrairement à une idée assez largement répandue, les sens d’aîné et de cadet, dans le monde du Taijiquan et des arts martiaux chinois, ne sont pas liés à l’âge des pratiquants mais à la durée de la pratique avec le maître considéré.

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Deux de mes shixiong « frères aînés » (condisciples en fait plus jeunes) de Taijiquan Laojia, à Chenjiagou : Wu Hong Hui et Li Jian, le neveu de maître Zheng Xu Dong

Ainsi, un homme de trente ans, pratiquant depuis seulement cinq ans avec un maître, appellera « frère aîné » un condisciple âgé de vingt-cinq ans étudiant depuis huit années auprès dudit maître.

Inversement, ce dernier, bien que plus jeune que lui, appellera le premier « frère cadet ».

 

Cette famille est celle de la lignée des pratiquants – et l’on distingue clairement les disciples, des élèves. L’on dit ainsi que :


« On ouvre la porte pour les élèves, on ferme la porte pour les disciples »

Le dicton signifie que l’on peut laisser la porte ouverte quand on enseigne à des élèves – et donc que tout un chacun, de passage devant la maison, peut entrer et observer ou suivre l’enseignement.

A l’inverse, quand on enseigne à un disciple, on s’assure que la porte est bien fermée et que personne ne profitera indûment de l’enseignement.

Le Taijiquan originel – la Petite Forme du Taijiquan style Chen – en répondant strictement à cette logique du secret de l’enseignement, a été le plus conservateur et un proverbe traditionnel de Chenjiagou dit :

小架不出门 大架不出村

xiăo jià bù chū mén dà jià bù chū cūn

 la Grande Forme ne sort pas du village (i.e. du clan),
la Petite Forme ne sort, elle, pas même de la famille (litt. « ne passe pas la porte »).

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Enseignement du Taijiquan à Chenjiagou (cour intérieure de Wang Chang Jiang)

Traditionnellement, on s’assurait de surcroît que le disciple ait bien atteint un niveau suffisant avant de le laisser « passer la porte » (dans l’autre sens, en sortant), c.à.d. avant qu’il ne soit autorisé à montrer sa pratique à l’extérieur.

En réalité, ce dont il s’agissait avant tout était que les techniques soient parfaitement intégrées corporellement, et surtout soient devenues suffisamment internes, et donc invisibles et cachées, pour ne pas être involontairement dévoilées à des étrangers.

Enfin, on s’assurait également de cette façon que, si le disciple était défié, il soit suffisamment habile pour ne pas perdre son combat et ne déshonore pas son maître et sa lignée.

Un dicton de Chenjiagou dit ainsi :

三年不出门

sān nián bù chū mén

On ne passe pas la porte avant trois années 

Ces trois années correspondent à la durée permettant d’acquérir des bases fondamentales solides. Cette durée peut en réalité varier dans la pratique mais correspond symboliquement à 10 000 répétitions2 par an du premier enchaînement, soit au total sur trois ans la pratique de 30 répétitions du premier enchaînement par jour, pendant environ 1000 jours.

Pour se faire une idée de la durée quotidienne de pratique que cela représente, et de la vitesse très variable de pratique selon le niveau, voir Une bonne vitesse de pratique du Taijiquan ? Avec une moyenne de 10 minutes par enchaînement, cela équivaut à environ 5 heures de pratique effective (hors pauses) par jour.

Aujourd’hui encore, la pratique quotidienne de 30 à 50 fois la forme, en réalité rarement atteinte par la majorité des pratiquants, continue à être donnée comme objectif idéal pour celui qui veut vraiment développer son gongfu 功夫 , c.à.d. son habileté.

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Epuisante récolte des ignames à Chenjiagou avec le beau-fils de Chen Qing Huan.

La réalité a sans doute été plus nuancée car il y avait autrefois très peu d’oisifs dans les villages de paysans et l’entraînement au Taijiquan venait, selon les saisons, s’ajouter à des travaux des champs eux-mêmes déjà harassants. La récolte des ignames, en illustration ci-contre, est ainsi particulièrement éreintante.3

Une maxime traditionnelle de Chenjiagou, reflétant l’opposition traditionnelle entre le « martial » wu 武 et le « culturel » 文, indique d’ailleurs que les enfants de familles riches étudient les arts martiaux alors que les enfants de familles pauvres étudient la « culture » (i.e. la littérature, autrefois en préparation aux examens impériaux).

Ce qu’il se dit actuellement à Chenjiagou est que, avec la relative aisance matérielle obtenue par la libéralisation de l’économie, ces vingt dernières années, même dans des villages paysans, les générations actuelles produiront peut-être de très grands maîtres.

Les jeunes pratiquants d’aujourd’hui peuvent en effet, sans se soucier de savoir s’ils mangeront à leur faim le lendemain, se consacrer uniquement à la pratique du Taijiquan six à huit heures par jour, 365 jours par an. Ce que leurs pères et leurs aïeux n’auraient jamais pu faire.

La durée de trois années pour atteindre un niveau suffisant afin que les secrets de la pratique ne soient plus apparents, est synthétisée par un autre proverbe indiquant les grandes étapes de la pratique :

由大圈练到中圈,由中圈到练小圈,由小圈练到无圈

Yóu dà quān liàn dào zhōng quān, yóu zhōng quān dào liàn xiǎo quān, yóu xiǎo quān liàn dào wú quān.

De grands cercles pratiquer jusqu’aux cercles moyens,
Des cercles moyens pratiquer jusqu’aux petits cercles,
De petits cercles pratiquer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de cercles

La signification du dicton est que lorsque les cercles internes et externes, par étapes progressives de la pratique, deviennent de plus en plus petits, ils finissent par disparaître totalement. On ne perçoit plus les cercles devenus invisibles à l’œil extérieur, et personne ne peut alors connaître les secrets de la pratique.

Dans les cinq étapes de la Méthode des Trois Cercles, allant de débutant (1) à expert (5), ce niveau d’invisibilité totale des cercles est atteint à la dernière étape, à laquelle les cercles se fondent en un simple point.

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Cinq étapes de la Méthode des Trois Cercles

Sommaire Taijiquan Parc (2)

Taijiquan des élèves au parc vs. disciples dans les cours intérieures

Lors du mouvement de décloisonnement de la société clanique au début du 20ème siècle en Chine, certains membres de Chenjiagou commenceront à enseigner le Taijiquan à des membres extérieurs au clan du village. Ils ne le feront malgré tout que partiellement et garderont secrètes les clés fondamentales de la pratique.

Alors qu’il n’y avait auparavant qu’un seul enseignement, il y aura désormais deux types d’enseignement : l’enseignement traditionnel réservé aux disciples et l’enseignement moderne destiné aux élèves. Cette dichotomie entre disciples et élèves, entre monde intérieur et extérieur, et entre enseignement traditionnel à Chenjiagou et moderne dans les villes, peut être synthétisée ainsi :

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Chenjiagou, cour intérieure de Wang Chang Jiang.

Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point. Contentons-nous pour l’instant de préciser que les objectifs, la pédagogie et le contenu de ces deux enseignements sont fondamentalement différents (et que, malgré le génie chinois en la matière, cela ne va pas sans poser des problèmes de continuité entre la période où l’apprenant est encore élève et, pour ceux concernés, celle où il devient disciple).

Pour être plus précis, il faudrait encore ajouter à ce schéma synthétique que, dans les villes, depuis environ une quinzaine d’années, avec les effets de le libéralisation économique que nous avons décrits dans le première article consacré au Tai Chi dans les parcs,  les enseignants désertent de plus en plus les parcs publics et forment dorénavant leurs élèves dans leurs propres centres d’arts martiaux (wuguan 武馆) dédiés.

Notons également  que désormais, à Chenjiagou même, les deux types d’enseignement coexistent. Les grandes écoles ouvertes à tous, enseignant des formes modernes et compétitives de Taijiquan style Chen,  y côtoient les maîtres les plus conservateurs qui n’enseignent à la maison qu’à des disciples triés sur le volet. Pour compliquer encore un peu les choses, un même maître enseigne souvent à la fois à des élèves (enseignement dispensé dans les parcs ou des écoles ouvertes à tous) et à des disciples (enseignement privé à la maison). 

Ainsi, mon maître de Laojia, enseignait publiquement aux élèves dans le parc Wangcheng à Luoyang mais enseignait uniquement à la maison pour les disciples (ou dans la tranquille arrière cour de l’immeuble, notre lieu de pratique habituel). 

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Cérémonie de prise de disciple à Chenjiagou par Chen Qing Huan en février 2017

Etre élève est d’ailleurs aujourd’hui quasiment systématiquement la première étape avant, pour une minorité, de devenir disciple. Ce passage du statut d’élève à celui  de disciple (et de professeur à maître) est formalisé par une cérémonie lors de laquelle l’élève « reconnaît un maître » 拜师 baishi et le maître « accepte un disciple »4 shoutudi 收徒弟, avec son traditionnel lot de ritualisme dont le fameux  ketou  磕头, le prosternement avec front à terre.

L’on entend parfois certains occidentaux qui – bredouillant quelques mots de chinois  et déçus de ne pas avoir été acceptés comme disciples malgré tous leurs efforts après quelques mois passés en Chine – affirment que, sans être passés par  cette cérémonie rituelle ni avoir reçu leur confirmation rituelle écrite, ils sont malgré tout disciples de tel ou tel maître et qu’ils sont des « disciples officieux » (des disciples cachés qui seuls importeraient, ou autres fadaises…).

Seule une  méconnaissance profonde de la Chine peut conduire à ce genre d’affirmations par ceux qui les professent et elles démontrent surtout une  ignorance abyssale du poids de la tradition et du ritualisme dans la vie chinoise même modernisée. 

A dire vrai, ce qui interpelle et attriste le plus est de constater à quel point les élèves, dont certains sont immanquablement des personnes intelligentes et éduquées, peuvent, progressivement et sans s’en rendre compte, devenir à ce point aveugles et perdre tout sens critique5.  Mais La Boétie avait sans doute raison…

La cérémonie de prise de disciple est un rite de passage qui fait entrer le disciple dans la famille martiale et il s’agit, en présence de témoins et des autres disciples du maître, à la fois d’officialiser ce passage, de « donner à voir » et de face. De la même manière qu’il faut passer par la porte pour accéder à la cour intérieure, il faut passer par la cérémonie pour devenir disciple et intégrer la lignée. Cette cérémonie est aux arts martiaux ce que le mariage est à la vie conjugale (et lui est de fait très proche par de nombreux aspects)?

Pour illustrer l’importance du ritualisme traditionnel, il suffira de rappeler une simple anecdote survenue lorsque j’ai moi-même passé cette cérémonie. Mon co-disciple le plus proche, avec qui nous nous entraînions quotidiennement,  était aussi le plus pauvre de tous.

Ne pouvant se permettre d’offrir de présent à notre maître lors de la cérémonie, c’est ce dernier qui a lui-même rempli de billets l’enveloppe rituelle, en nombre suffisant pour que toutes les personnes présentes puissent voir à l’épaisseur de l’enveloppe qu’elle était bien garnie. Il s’agissait d’une part de respecter la tradition du présent obligatoire fait au maître par l’aspirant disciple, et, d’autre part, que ni le maître ni le disciple ne perde la face en manquant à cette obligation.

Quoi que l’on pense de ces cérémonies, qui paraissent parfois désuètes et affectées aux modernes, l’essentiel est que l’on  distingue donc traditionnellement en Chine deux types bien différents d’enseignement et de pratique : une pratique ésotérique, dans son sens étymologique de transmission dévoilée uniquement à des disciples choisis (en l’occurrence, à l’origine uniquement certains membres de la famille et du clan), ou orthodoxe – et une pratique exotérique, ou hétérodoxe, ouverte à tous.

Cette opposition entre Taijiquan des parcs et Taijiquan des cours intérieures est celle qui sépare les formes traditionnelles des formes modernes du Taijiquan.

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Notes de l’article Taijiquan dans les parcs (2)

  1. Clin d’œil personnel : Fredo, sauf s’il s’agit de Quentin bien entendu. 8-)
  2. Dix mille signifiant symboliquement dans la culture chinoise la totalité, « l’infini » (comme pour le souhait de longue vie de 10 000 ans, wan sui 万岁 à l’empereur – alors qu’on ne souhaitait que 1 000 années de longue vie à une impératrice douairière et 100 ans au commun des mortels).
  3. Les ignames de Wenxian, le district de Chenjiagou, sont les plus réputées de Chine et sont utilisées dans la pharmacopée de la médecine traditionnelle chinoise.
    La photo ci-contre a été prise au début du printemps 2017, à un moment où la production d’ignames avait été tellement importante, et où les prix avaient tellement chutés, qu’ils ne couvraient même plus les coûts de la récolte. Les champs avaient donc été  mis à la libre disposition de tous les habitants de Chenjiagou et chacun pouvait venir se servir.
  4. Je reviendrai dans un article dédié sur la question de la « prise de disciple » qui, depuis une dizaine d’années est malheureusement devenue – pour les maître les plus connus qui peuvent « monnayer leur nom » en Chine – un business à part entière et a totalement perdu sa signification originelle chez certains de ces grands nom du Taijiquan.
  5. On m’a même récemment rapporté le cas d’un enseignant de taijiquan en France, qui, profitant de l’emprise exercée sur ses élèves pour abuser de leur candeur, pousse l’affabulation encore plus loin  et va jusqu’à prétendre en outre qu’un enseignant chinois lui aurait dit qu’il n’avait désormais plus rien à lui transmettre, qu’il lui avait tout transmis et qu’il pouvait dorénavant aller son propre chemin.

    En dehors de l’évidente fatuité de telles sornettes (sans doute inspirées par une quelconque fiction TV de kung-fu) qui sonnent comme une blague à quiconque n’est pas sous influence,  il ne viendrait bien évidemment jamais en tête à un maître chinois de professer de tels propos en totale contradiction avec l’esprit traditionnel – dans lequel le maître se déclare notamment lui-même toujours être un étudiant en perpétuelle recherche, c.à.d. à mille lieues des « je sais je sais ».

    Mon maître de laojia Zheng Xu Dong est un excellent exemple de cette quête toujours en cours de l’excellence : à presque 70 ans, il continue inlassablement de pratiquer et de chercher, et, chaque fois que nous nous revoyons, il me fait part avec enthousiasme de ses dernières découvertes. J’y reviendrai à l’occasion.

A propos Tai Chi Lyon

Disciple officiel de la lignée du Tai Chi Chuan originel de Chenjiagou (lieu de création du Tai Chi) sous le nom Pengju 鹏举, j'ai passé plusieurs années en Chine à me former et pratiquer avec Maître Zheng Xu Dong et pratique ces dernières années la Xiaojia avec des maîtres de Chenjiagou (disciples directs du célèbre Chen Kezhong).