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Apprendre le Taiji-Quan style Chen et Mouvements Essentiels du Tai Chi Chen

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Quelle est l’importance des Mouvements Essentiels lorsque l’on souhaite enseigner ou apprendre le Taiji-Quan style Chen ? Dans les deux premiers articles de cette série dédiée aux mouvements essentiels du Taiji-Quan style Chen et au développement du gongfu, nous avons vu la place fondamentale qu’occupaient le premier enchaînement, et, à l’intérieur de celui-ci, la Posture Préparatoire et le 1er Mouvement du Taiji-Quan style Chen « Le Gardien des Cieux » jingang daodui (et  des liens pour celui-ci entre Taiji-Quan et Shaolin).

Nous examinerons maintenant la raison pour laquelle les 13 premiers mouvements du Taiji-Quan style Chen sont appelés « Les Treize Mouvements Essentiels » et les conséquences en termes de progression dans l’apprentissage du premier enchaînement ainsi que de durée moyenne d’enseignement pour le 1er enchaînement, ainsi que pour la pédagogie de la formation au Tai Chi Chen originel .

Voir aussi celle de la Formation Pro pour ceux qui souhaitent devenir prof de tai-chi.

L’analyse que nous ferons ici porte sur la forme originelle du Taiji-Quan style Chen (appelée Xiaojia 小架« Petite Forme » du Tai Chi Chen) mais s’applique de manière parfaitement identique à la branche Laojia 老架 « Vieille Forme » (dans laquelle il s’agit non des 13 mais des 15 Mouvements Essentiels).

Taiji-Quan style Chen et 13 Mouvements Essentiels

Les treize mouvements essentiels du Taiji-Quan style Chen Xiaojia le sont à double titre quand on souhaite apprendre le Taiji-Quan style Chen : qualitatif et quantitatif. Nous avons déjà abordé l’importance de l’aspect qualitatif pour le 1er d’entre eux, et, avec les douze suivants, la logique reste la même.

Nous avions vu que « Le Gardien des Cieux Pile le Mortier » permet de travailler les changements les plus fondamentaux : le changement de hanches-bassin (de loin le plus important), un pas sur les cinq principaux, ainsi que deux des quatre changements de main élémentaires. Les treize mouvements vont eux permettre de travailler un plus grand nombre de combinaisons de changements.

C’est la raison pour laquelle, tout comme le premier mouvement, « Le Gardien des Cieux pile le mortier », est appelé la quintessence de la pratique du Taiji-Quan style Chen, les treize mouvements sont, eux, considérés comme l’essence du Taiji-Quan. A l’intérieur de ceux-ci, nous verrons également que les sept premiers d’entre eux y tiennent même une place toute particulière.

Sommaire Apprendre Taiji-Quan style Chen

Treize mouvements essentiels du Taiji-Quan, symbolique et logique combinatoire

Ces changements, combinaisons de changements de hanches et de poids, de déplacements (en avant, en arrière, de côté, de biais,…) et de mains, répondent à la logique combinatoire chère à la culture traditionnelle chinoise de classification du monde selon les principes du yin et du yang.

Dans la méthode pratique des Trois Cercles, les combinaisons sont celles des trois changements fondamentaux correspondant aux changements de hanches et de rotation de l’axe (1er cercle), et aux deux changements de mains (2ème et 3ème cercles).

Dans la cosmologie corrélative taoïste, l’ensemble de la manifestation est produite par la combinaison d’opposés, catégories appelées yin yang. Le célèbre chapitre 42 du Laozi (i.e. le Daodejing) le décrit ainsi :

道生一,一生二,二生三,三生万物

dào shēng yī, yī shēng èr, èr shēng sān, sān shēng wàn wù

Le Dao d’origine engendre l’Un.

L’Un engendre le Deux

Le Deux engendre le Trois

Le Trois produit les Dix mille êtres (c.à.d. la totalité de la manifestation)

Pour la traduction intégrale en français du Daodejing (ou Tao Te King) en ligne ou à télécharger en PDF : Traduction Laozi Daodejing (Tao Te King)

Dans son livre, le premier consacré à la forme originelle du Taiji-Quan, Chen Xin reprend ce principe taoïste d’engendrement de la manifestation par sa reformulation originelle contenue dans le Yijing 易经 :

« Le taiji produit les deux yi (formes ou principes), qui engendrent les quatre xiang (apparences), qui produisent les huit gua (trigrammes)»

太极生两仪, 两仪生四象, 四象生八卦

Tàijí shēng liǎng yí, liǎng yí shēng sì xiàng, sì xiàng shēng bāguà

dans laquelle les deux principes yi sont le yin et le yang et les quatre « apparences » xiang sont taiyang, taiyin, shaoyang, shaoyin (Grand Yang, Grand Yin, Petit Yang, Petit Yin).

Si, dans l’ordre spatial, les quatre xiang sont associés aux quatre directions cardinales et aux quatre saisons dans l’ordre temporel, ils correspondent, pour le Taiji-Quan, aux quatre techniques principales peng 掤, 捋, ji 挤, an 按.

Chen Xin l’illustre par le diagramme néo-confucianiste classique de génération des huit trigrammes :

taiji-quan-liangyi-sixiang-bagua-chen-xin

ainsi que par la représentation plus complète des transformations des 64 hexagrammes qu’il fait correspondre symboliquement aux 64 mouvements du premier enchaînement du Taiji-Quan style Chen :

chen-xin-taiji-liangyi-sixiang-bagua-hexagrames-yi-king

Afin de pouvoir faire correspondre chaque mouvement à un hexagramme, et arriver au chiffre de 64, Chen Xin a supprimé huit mouvements de l’enchaînement habituel en 72 mouvements.

Dans cette logique combinatoire, les Treize Mouvements Essentiels vont permettre de travailler la majorité des combinaisons de changements. Notons pour finir que le chiffre treize n’a pas été choisi au hasard mais qu’il est l’addition des huit trigrammes bagua 八卦 et des cinq éléments wuxing 五行 (ou « cinq mouvements »).

Dans la pratique du Taijiquan, ces derniers correspondent aux huit techniques principales et aux « cinq positions ». L’on retrouve aussi symboliquement le chiffre treize à de nombreuses reprises dans le Taiji-Quan : 13 mouvements du Sabre du Taiji, 13 mouvements de la Lance du Taiji, 13 sections du premier enchaînement selon Chen Xin…

Sommaire Apprendre Taiji-Quan style Chen

Treize mouvements Essentiels du Taiji-Quan – aspect quantitatif

L’agencement de l’enchaînement, appelé taolu 套路, a été mûrement réfléchi par ses créateurs qui ont accordé une importance toute particulière aux 13 Mouvements Essentiels également en termes quantitatifs.

En effet, si la première forme du Taiji-Quan style Chen comprend 72 mouvements, certains d’entre eux reviennent plusieurs fois dans l’enchaînement. Certains mouvements, comme les « Six Verrouillages et Quatre Fermetures » 六封四闭 liu feng si bi et le « Simple Fouet » 单鞭dan bian sont ainsi exécutés sept fois chacun dans l’enchaînement.

Il y a au total onze mouvements revenant à plusieurs reprises dans la première forme du Tai Chi Chen, qui représentent au final 42 (soit 58%) de l’ensemble des 72 mouvements.

Ce sont, par ordre décroissant de répétitions, les mouvements suivants :

Apprendre-Taiji-Quan-Chen-Mouvements-Essentiels

En définitive, il n’y a donc pas 72 mouvements différents dans le premier enchaînement du Taiji-Quan style Chen mais seulement 41. Onze d’entre eux sont répétés plusieurs fois (représentant au total 42 mouvements du total de l’enchaînement), les trente autres apparaissant seulement une fois.

Or, les premiers mouvements de l’enchaînement sont presque exclusivement constitués de mouvements revenant à plusieurs reprises. Les mouvements les plus répétés – ceux revenant quatre ou sept fois – sont, de surcroît, tous inclus dans les treize premiers mouvements.

C’est ce qui donne toute son importance quantitative aux Treize Mouvements Essentiels puisqu’avec leurs répétitions ultérieures dans l’enchaînement, ils représentent à eux seuls 37 mouvements sur 72, soit 51% de l’ensemble des mouvements de l’enchaînement du Taiji-Quan style Chen.

Dit autrement, pratiquer les 13 Mouvements Essentiels du Taiji-Quan style Chen revient à connaître la moitié des mouvements de l’enchaînement complet1.

Apprendre-Taijiquan-Chen-13-Mouvements-Essentiels

Voir la traduction des noms des mouvements du Taiji-Quan style Chen, (des trois branches Laojia, Xinjia et Xiaojia) avec les caractères chinois et le pinyin (téléchargeable au format PDF)

Comme nous l’indiquions en introduction, les Treize Mouvements Essentiels du Tai Chi Chen le sont donc bien à la fois qualitativement – travail des changements fondamentaux – mais également quantitativement comme nous venons de le voir.

Apprendre-Taiji-Quan-Chen-13-Mouvements-Essentiels-Taijiquan

Sommaire Apprendre Tai Chi Chen

Les onze mouvements du Taiji-Quan style Chen revenant plusieurs fois représentent ainsi 58% de l’ensemble des mouvements.

Apprendre-TaijiQuan-Chen-Statistiques-Mouvements-Essentiels

Par ailleurs, après le 26ème mouvement, « Caresser l’encolure du Cheval », qui est le dernier mouvement à être répété, soit environ après le premier tiers de l’enchaînement du Taiji-Quan style Chen, il n’y a plus de nouveau mouvement revenant à plusieurs reprises.

Le premier tiers du premier enchaînement du Tai Chi Chen contient ainsi 57 mouvements sur 72, soit 79% de l’ensemble des mouvements présents dans l’enchaînement.

Apprendre-Tai-Chi-Chen-Mouvements-Essentiels-7-13-26

Enfin, si l’on examine plus attentivement les sept premiers mouvements du Taiji-Quan style Chen  – constitués exclusivement de mouvements revenant à plusieurs reprises – l’on s’aperçoit qu’ils concentrent à eux seuls déjà 40% de l’ensemble des mouvements de l’enchaînement.

Apprendre-Taiji-Quan-Chen-Mouvements-Essentiels-7-13-26-Graphique

Nous verrons, au prochain paragraphe, les conséquences de cet agencement particulier du premier enchaînement sur l’enseignement du Taiji-Quan style Chen, et la progression dans l’apprentissage et la pédagogie à adopter.

Sommaire Apprendre Taiji-Quan style Chen

Apprendre le Taiji-Quan style Chen et Mouvements Essentiels

Deux des défauts les plus communs et les plus rédhibitoires lorsque l’on commence à apprendre le Tai Chi Chen sont, d’une part, de pratiquer trop vite, et, d’autre part, d’être pressé d’apprendre le plus rapidement possible le plus grand nombre de mouvements pour « connaître la forme ».

Or, dans un cas comme dans l’autre, c’est exactement l’inverse qu’il faut faire. En effet, qu’il s’agisse de la vitesse de pratique ou du rythme d’apprentissage, le Taiji-Quan est à double titre – dans ses premiers stades tout du moins – un éloge à la lenteur pour lequel il faut se garder de toute forme d’empressement.

Apprendre le Taiji-Quan et vitesse de pratique

Nous avons déjà abordé en détail la question de la vitesse de la pratique elle-même dans l’article et y avons vu que la lenteur de la pratique du Taiji-Quan n’était pas une finalité en soi mais un moyen dont l’objectif final était l’extrême coordination de toutes les parties du corps. Nous y avons entre autres indiqué que la vitesse de pratique n’était pas linéaire et qu’elle allait notamment varier selon le stade de la pratique et le niveau du pratiquant.

apprendre-vitesse-pratiqueContentons-nous simplement de rappeler ici que moins l’on maîtrise un mouvement (i.e. un changement), plus – c’est là que réside toute la difficulté – il est difficile de le pratiquer lentement, et plus il est impératif de le pratiquer lentement.

A l’inverse, plus l’on maîtrise un mouvement, plus il est aisé de le pratiquer lentement, et plus il est également possible de le pratiquer à une vitesse plus élevée sans l’altérer.

Pour reprendre la métaphore que nous avions utilisée, s’il faut absolument pour un apprenti conducteur rouler lentement sur une route de montagne sinueuse et quasiment s’arrêter lors des boucles les plus serrées, un pilote de rallye pourra, lui, sans danger et avec la même assurance, parcourir ladite route à une vitesse cinq à dix fois plus élevée. Il en va de même pour les changements du Tai Chi Chen. Il faut ralentir pour ne pas faire de tête-à-queue et s’assurer que les changements ne repartent pas dans la mauvaise direction.

Notons aussi au passage que, tout comme il ne faut pas s’arrêter dans une montée sinueuse sous peine d’être en difficulté et de devoir repartir au frein à main, il ne faut pas non plus pour les débutants s’arrêter sur les changements du Taiji-Quan mais ralentir au maximum, sous peine de perdre la continuité du « fil à soie » avec un arrêt complet du mouvement.

Le seul moment où il est possible de marquer un très court temps d’arrêt lors des changements est celui de la phase initiale d’apprentissage où il s’agit de trouver les bonnes postures (avant d’aborder les changements entres les postures).

Comme je le dis parfois à mes élèves en guise de synthèse, en apparence paradoxale, il faut à la fois « pratiquer lentement pour parvenir à pratiquer lentement, et pratiquer lentement pour réussir à pratiquer vite ». Ou, en d’autres termes, pour ce qui est de la vitesse de pratique : qui peut le moins peut le plus…

Nous avons déjà vu dans les deux premiers articles de cette série :

  • l’importance capitale du premier enchaînement yilu dans le développement du gongfu, de l’habilité martiale,
  • qu’apprendre le Tai Chi Chen ne consiste pas en l’apprentissage d’une série de mouvements mais de combinaisons de changements et que celles-ci sont bien moins nombreuses que le nombre de mouvements de la forme,
  • que les premiers mouvements sont les plus importants, tant en termes qualitatifs que quantitatifs, que c’est à eux qu’il faut consacrer le plus de temps et que « l’avenir de la pratique en dépend ».

Nous verrons maintenant comment cela se traduit concrètement en matière de pédagogie et de progression lorsque l’on souhaite apprendre le Tai Chi Chen.

Tout comme la vitesse de pratique, le rythme d’apprentissage de la forme – et du travail interne – n’est pas linéaire mais quasiment exponentiel.

Sommaire Apprendre Taiji-Quan style Chen

Apprendre le Taiji-Quan et enseignement traditionnel en Chine

En Chine, dans l’enseignement du Tai-Chi style Chen traditionnel, le processus d’apprentissage passe par une pédagogie simple, essentiellement basée sur l’imitation et la répétition, mais qui a fait ses preuves. Pour les débutants, elle consiste à n’enseigner à un élève un nouveau mouvement que lorsqu’il maîtrise déjà suffisamment celui en cours.

Avec cette méthode, supposant un entraînement moyen de six heures par jour, il faut généralement un an pour apprendre le premier enchaînement du Taiji-Quan style Chen gongfujia.

Chen-Xin-Jingang-Daodui-TaijiQuan-style-ChenPour la forme originelle, la Xiaojia, l’on commence par passer une quinzaine de jours à pratiquer uniquement la Posture Préparatoire, puis environ un mois sur le seul premier mouvement « Le Gardien des Cieux pile le mortier ».

Les autres mouvements ne seront ensuite enseignés que lorsque celui en cours sera déjà acquis. Après la première année dédiée à l’apprentissage du premier enchaînement du Tai Chi Chen, les deux années suivantes sont consacrées au développement du gongfu par la pratique intensive de celui-ci. Sur les autres raisons de cette durée de trois ans, voir Secret de l’enseignement du Taiji-Quan.

Mon maître de Taiji-Quan style Chen laojia « Vieille Forme », Zheng Xu Dong, accorde même une importance toute particulière aux 15 Mouvements Essentiels et exigeait des élèves – du moins de ceux qu’il pressentait comme pouvant potentiellement devenir des disciples s’ils s’avéraient à la fois être des personnes bien2 et à en avoir les capacités – qu’ils pratiquassent uniquement ces derniers pendant au moins un an avant de leur enseigner la suite de l’enchaînement.

Il allait par contre beaucoup plus rapidement pour la suite de la forme. Ainsi, mon condisciple Wu Hong Wei et moi-même, après avoir uniquement pratiqué les 15 Mouvements Essentiels du Tai Chi Chen pendant plus d’un an, apprîmes le reste de la forme en à peine une quinzaine de jours. Mais avant cela, nous dûmes reprendre et pratiquer uniquement le premier mouvement pendant plus de deux semaines.

A raison de six heures par jour, cela représentait, sur cet unique mouvement, quelques centaines d’allers-retours dans la longueur de la petite arrière-cour où nous pratiquions…

Chen-Zhaokui-tuishou-qinaComme nous l’avons déjà indiqué dans la première partie de cette série Taijiquan style Chen Tuishou, rappelons qu’aux stades initiaux de l’enseignement du Tai-Chi Chen traditionnel, ni les applications martiales ni le tuishou ne sont enseignés.

Enseigner des applications martiales trop tôt va à l’encontre même de l’esprit du Taiji-Quan qui est avant tout un travail des changements. Montrer les applications martiales est totalement contre-productif puisque cela conduit non seulement l’élève à se focaliser sur un aspect de la pratique secondaire à ce stade, mais va de surcroît, immanquablement, le conduire à se détacher du perfectionnement de ses changements.

Procéder ainsi revient de fait à revenir à une pratique martiale de type externe dans laquelle chaque mouvement correspond à une application ou technique particulière.

Notons enfin que cet enseignement traditionnel est totalement différent de l’enseignement moderne du Tai Chi Chen en Chine – tel celui des universités des sports ou encore celui généralement dispensé dans les parcs – qui se fait, lui, très rapidement et se focalise surtout sur l’apprentissage d’une forme.

Pour en savoir plus sur la différence entre les deux approches, voir les articles Enseigner le Tai-Chi : Traditionnel ou Moderne ainsi que, sur l’extrême conservatisme de la tradition  que Enseignement du Tai-Chi et Culture Traditionnelle.

taijiquan-parc-chenjiagouLorsque qu’un débutant souhaite apprendre le Taiji-Quan dans les parcs en Chine, ou même encore dans certaines écoles ouvertes à tous à Chenjiagou, la première phase passe généralement par l’enseignement de la forme complète en un temps très court (d’environ un mois) fixé d’avance.

Cette formule dans laquelle l’élève paye une somme forfaitaire pour apprendre une forme en un temps limité paraît rassurante aux débutants qui craignent souvent que l’enseignant fasse traîner en longueur l’apprentissage afin de gagner plus. En poussant eux-mêmes l’enseignant de Tai Chi Chen à aller plus vite, les élèves contribuent involontairement à perpétuer – à leur propre détriment – le caractère conservateur de l’enseignement traditionnel.

Le professeur n’est ainsi pas tenu de transmettre plus qu’il ne voudrait et il peut se contenter de répondre à la demande de l’élève débutant en lui enseignant simplement une forme superficielle. Voir l’article portant sur la culture du secret et les différences entre l’enseignement du Tai Chi Cuan traditionnel et moderne.

Sommaire Apprendre Tai Chi Chen

Apprendre le Tai Chi Chen en France

Hormis avec une infime minorité d’élèves passionnés prêts à consacrer le temps nécessaire à un apprentissage traditionnel du Taiji-Quan – ceux ayant la volonté, la constance, les capacités et la disponibilité pour pouvoir le faire – il est quasiment impossible de suivre en Occident la méthode d’enseignement traditionnel lors de cours de type hebdomadaire et ouverts à tous.

Il faut alors mettre en œuvre une pédagogie permettant d’offrir un enseignement du Taiji-Quan adapté à la fois à la grande majorité des élèves pour qui le Taiji-Quan est avant tout une pratique de loisir, et à ceux qui veulent aller plus loin.

Apprendre le Tai Chi Chen et enseignement moderne

Cette pédagogie inclut plusieurs éléments qui permettent de préserver l’essence de l’enseignement traditionnel du Taiji-Quan tout en le mettant à la portée du plus grand nombre.

Apprendre-Taiji-Quan-style-Chen-Methode-Trois-Cercles-Changements-Simples-Tai-chi-TaijiquanSi le cœur de celle-ci est la Méthode des Trois Cercles, pour le sujet qui nous occupe ici, elle se base sur un rythme d’enseignement adapté aux contraintes inhérentes à un style de vie moderne et notamment, une plus grande progressivité dans le temps de l’enseignement de la forme.

L’étalement de l’enseignement du Tai-Chi sur une période plus longue permet à la fois de respecter les exigences d’un enseignement sérieux et accessible à tous et, pour les plus motivés, la possibilité de développement de leur gongfu à un niveau potentiellement équivalent à celui de l’enseignement traditionnel.

Pour ces derniers, cela passera par une pratique personnelle plus soutenue en dehors des cours et/ou la participation au tutorat traditionnel. Cet apprentissage du Taiji-Quan étalé sur un temps plus long va par ailleurs se conformer à l’agencement très particulier de l’enchaînement que nous avons examiné plus haut.

Nous y avons notamment vu que les mouvements les plus importants, concentrés dans le début de l’enchaînement, y étaient répétés plusieurs fois et que la progression n’était pas linéaire mais quasiment exponentielle.

Apprendre-Taiji-quan-style-Chen-Mouvements-Essentiels-Graphique-Courbe

Sommaire Apprendre Tai Chi Chen

Les quatre périodes d’apprentissage du Tai Chi Chen

En prenant en compte à la fois les aspects qualitatifs et quantitatifs des mouvements (voir ci-dessus ainsi que les premiers articles de cette série), l’enchaînement peut alors être décomposé en quatre phases principales. Ces quatre phases de l’apprentissage du Tai Chi Chen – fonction du nombre de mouvements, de leurs répétitions et du pourcentage total de l’ensemble des mouvements – peuvent être représentées comme suit :

Taiji-quan-style-Chen-Apprendre-Mouvements-Essentiels

Dans un enseignement moderne en cours du soir, ces quatre phases correspondent alors – pour la plupart des élèves, suivant un seul cours de Tai-Chi Chen par semaine et ne pratiquant quasiment pas en dehors des cours – à quatre années d’apprentissage.

Apprentissage-Tai-Chi-Chen-4-Annees-Mouvements-Essentiels

Avec un nombre très réduit de mouvements – sept dont un revenant deux fois – lors la première phase, cette répartition respecte la nécessité de progressivité d’intégration corporelle des principes de changements lors des premiers mouvements.

Apprendre-Taiji-Quan-Chen-Nouveaux-Mouvements1

Bien entendu, la durée de chacune de ces phases d’apprentissage du Tai Chi Chen va pouvoir varier énormément et devra être adaptée selon les circonstances et les individus.

L’une des difficultés des cours collectifs pour l’enseignant de Tai-Chi Chen va être de réussir à jongler avec les différences de niveaux qui vont se créer très rapidement, d’une part entre les élèves d’un même groupe, et d’autre part, entre les différents groupes, et ce, afin de maintenir une cohésion de groupe.

Vitesse-Limite-Tai-chiIl s’agira notamment de ne pas aller trop vite pour ceux qui progressent plus lentement, – ce qui risquerait soit de les démotiver, soit de les empêcher d’intégrer correctement les fondamentaux – et de ne pas non plus aller trop lentement pour ne pas trop retarder ni frustrer ceux capables d’apprendre plus vite.

Lors des cours collectifs, le niveau d’exigence pourra également être individualisé à l’intérieur d’un même groupe et variera notamment selon l’âge et les capacités. L’objectif est d’amener chacun à donner le meilleur de lui-même.

Par-delà les capacités naturelles et le passé sportif de chaque élève (notamment lors de l’enfance et de l’adolescence), ce qui va le plus creuser les écarts entre les élèves sera le nombre de cours suivis par semaine et l’assiduité aux cours, le temps de pratique personnelle en dehors des cours, ou son absence, ainsi que la participation, ou non, au tutorat  au parc de la Tête d’Or  ou encore aux stages.

En sus de leurs capacité et motivation, l’enseignant de Tai-Chi Chen va également devoir composer avec le niveau de plaisir des élèves, c.à.d. trouver un équilibre entre l’indispensable rigueur de toute pratique sérieuse – l’aspect rébarbatif – et l’aspect récréatif recherché par la majorité des pratiquants.

taijiquan-chenjiagou-statueSi la rigueur exige un enseignement du Tai-Chi Chen avec très peu de mouvements lors de la première phase d’apprentissage, l’aspect loisir, motivant la plupart des débutants, pousse généralement à l’inverse vers un plus grand nombre de mouvements.

Bien que faire plaisir aux élèves ne doive en aucun cas être l’objectif principal de l’enseignement, la satisfaction obtenue lors de la pratique n’en reste pas moins un facteur important de motivation et se doit donc d’être prise en compte dans l’enseignement du Tai Chi Chen.

D’expérience, en tenant compte de ces différents critères et sachant que les pratiquants de Tai-Chi Chen peu motivés cessent assez rapidement de venir en cours et ne retardent alors plus les autres, il est souvent possible d’arriver à une progression plus rapide du groupe avec l’apprentissage des 13 Mouvements Essentiels lors de la 1ère année.

On arrive alors généralement à la répartition moyenne suivante des quatre phases du Tai Chi Chen Xiaojia :

Apprendre-TaiChi-style-Chen-4-Phases2

Soit, pour la pratique récréative d’un élève sérieux suivant des cours collectifs une fois par semaine :

Apprendre-Taiji-quan-style-Chen-13-Mouvements-Essentiels

Soit un nombre de nouveaux mouvements équilibré par phase :

Taiji-Quan-Chen-Apprendre-Nouveaux-Mouvements2

Comme indiqué précédemment, si cette répartition parait de prime abord plus équilibrée, elle est en réalité un compromis prenant en compte à la fois la nécessité d’aller plus lentement au début et le plaisir de pratique pour les débutants.

Par phase, la répartition des nouveaux mouvements et de leurs répétitions cumulées est alors la suivante :

Tai-Chi-Apprendre-Chen-Enchainement-Nouveaux-Mouvements-13-26-48-72

Sommaire Apprendre Taiji-Quan style Chen

Apprendre le Tai Chi Chen et pratique personnelle

Un système d’enseignement structuré et une pédagogie adaptée – du ressort de l’enseignant – sont des conditions nécessaires mais non suffisantes à la réussite dans l’apprentissage du Tai Chi Chen. Aussi importantes soient-elles, elles ne seront en effet d’aucune utilité si elles ne s’accompagnent pas en retour, de la part de l’élève, d’un engagement minimum.

En l’absence de celui-ci, l’on se condamne en effet à rester cantonné à la surface des choses et à une pratique superficielle du Taiji-Quan traditionnel. 3

Il est à cet égard important de distinguer le temps d’apprentissage du Tai-Chi Chen lors des cours, du temps de pratique personnelle et de réaliser que tout deux sont indispensables et complémentaires.

Formation-Taiji-Quan-pratique-personelle-confuciusLa pratique personnelle en dehors des cours va permettre d’en devenir acteur et de se l’approprier.

Par-delà la répétition permettant de mémoriser durablement ce qui a été appris, la pratique personnelle va non seulement permettre de perfectionner et approfondir ce qui a été enseigné, mais aussi de prendre du recul, de se poser des questions sur ce qui a potentiellement été pas ou mal compris, de se questionner et parfois de découvrir par soi-même de nouveaux aspects de la pratique qui n’ont pas encore abordés lors des cours.

Dans les Analectes, Confucius exprime, de manière peut-être abrupte pour le monde moderne, cette co-responsabilité essentielle de l’élève dans le succès de son apprentissage en disant :

« Je n’enseigne pas à celui qui ne s’efforce pas de comprendre. […] Si j’ai présenté un coin d’un sujet à un élève, s’il ne découvre par les trois autres par lui-même, je cesse de lui enseigner ». Analectes 7.84

Exprimé de manière plus triviale, le précepte de Confucius aux enseignants est de ne pas dépenser sa salive pour rien, de ne pas perdre une seconde de son temps avec des élèves insuffisamment motivés et ardents à l’étude.5

Travail-ApprendreDans l’enseignement moderne, quand il ne s’agit pas simplement de désinvolture, la plus grosse difficulté est que la pratique individuelle apparaît d’autant plus difficile et rébarbative aux yeux des débutants qu’ils manquent encore de confiance en eux, craignent de se tromper et ne se sentent pas capables de pratiquer en autonomie. Elle reste pourtant essentielle lors de la phase initiale d’apprentissage.

Comme je le dis souvent lors des cours, la seule façon de progresser est de ne pas rester un simple passager des cours mais de prendre le volant pour devenir aussi un conducteur et un acteur de la pratique. Un passager passif, s’en remettant entièrement au conducteur pour l’emmener à bon port, pourra faire plus de cent fois le même trajet sans jamais s’en souvenir réellement, mais il suffira qu’il le fasse quelques fois seul en tant que conducteur pour ne plus jamais l’oublier et commencer à en connaître progressivement les subtilités.

Ce qui coule de source dans de nombreuses disciplines – imagine-t-on apprendre le piano sans jamais faire ses gammes à la maison ? – s’applique de manière tout aussi cruciale, si ce n’est plus encore, lorsque l’on veut apprendre sérieusement le Tai Chi Chen traditionnel.

Une pratique personnelle régulière est non seulement nécessaire mais elle doit même, autant que faire se peut, devenir également, au moins par périodes, une pratique soutenue ou intensive. Cette dernière, avec son lot de répétitions, est en effet fondamentale à la fois à une intégration corporelle profonde et au développement du sens proprioceptif.

Succes-ApprentissageToutes choses étant égales par ailleurs, nous conclurons donc en empruntant 6 une maxime énonçant non sans humour que :

« le seul endroit où le Succès arrive avant le Travail, c’est dans le dictionnaire ».

 

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Pour apprendre le Taiji-Quan style Chen à Lyon

Pour des informations sur les cours de Tai Chi style Chen à Lyon (Croix-Rousse, Gerland, Lyon 1er, Lyon 4ème, Lyon 6ème Parc de la Tête d’Or, Lyon 7ème, Lyon 8ème et Caluire) proposés depuis plus de 15 ans par l’association Chuan Tong International : Cours et Stages de Taijiquan style Chen à Lyon  et Taijiquan style Chen à Caluire. Voir également notre site généraliste pour les cours de Taiji-Quan style Chen à Lyon.

Pour ceux qui n’habitent pas Lyon ou ne sont pas disponibles en soirée : Taijiquan style Chen en week-end  Pour en savoir plus sur l’enseignant : L’enseignant

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Sommaire Apprendre le Taiji-Quan style Chen

Taiji-Quan style Chen et 13 Mouvements Essentiels

Treize mouvements essentiels du Taiji-Quan, symbolique et logique combinatoire

Treize mouvements Essentiels du Taiji-Quan – aspect quantitatif

Apprendre le Taiji-Quan style Chen et Mouvements Essentiels

Apprendre le Taiji-Quan et vitesse de pratique

Apprendre le Taiji-Quan et enseignement traditionnel en Chine

Apprendre le Taiji-Quan style Chen en France

Apprendre le Taiji-Quan et enseignement moderne

Les quatre périodes d’apprentissage du Taiji-Quan style Chen

Apprendre le Taiji-Quan et pratique personnelle

Notes de l’article Apprendre le Taiji-Quan style Chen (3)

  1. En ce qu’ils permettent de distinguer l’essentiel de l’accessoire, l’on peut d’ailleurs y voir un nouvel exemple de la loi de Pareto.
  2. l’on dit traditionnellement ceux qui possédaient la « vertu martiale » wude 武德
  3. Si l’on recherche une pratique ne demandant quasiment aucun investissement personnel – approche il est vrai plus adaptée à la mentalité consumériste moderne – il faut alors mieux se tourner vers des formes modernes de Taiji-Quan, de type gymnique ou New Age. L’on pourra alors sans encombre remplacer le temps de pratique par un temps de discours théorique sur la pratique, voir un intellectualisme bien français
  4. Analectes 7.8, traduction S. Couvreur : « 子曰:不愤不启,不悱不发,举一隅不以三隅反,则不复也。Le Maître [Confucius] dit : Je n’enseigne pas à celui qui ne s’efforce pas de comprendre ; je n’ai pas à parler celui qui ne s’efforce pas d’exprimer sa pensée. Si quelqu’un, après avoir entendu exposer la quatrième partie d’une question, ne peut comprendre par lui-même et exposer les trois autres parties, je ne l’enseigne plus. »

    Pour la traduction complète en français avec le chinois et l’eBook gratuit des Analectes de Confucius

  5. Dans le monde du Taiji-Quan traditionnel où la transmission est encore vue comme une faveur, la recommandation de Confucius continue toujours d’être suivie aujourd’hui et dicte largement l’attitude des maîtres traditionnels.
  6. merci Aurélien

A propos Tai Chi Lyon

Disciple officiel de la lignée du Tai Chi Chuan originel de Chenjiagou (lieu de création du Tai Chi) sous le nom Pengju 鹏举, j'ai passé plusieurs années en Chine à me former et pratiquer avec Maître Zheng Xu Dong et pratique ces dernières années la Xiaojia avec des maîtres de Chenjiagou (disciples directs du célèbre Chen Kezhong).