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Enseigner le Tai-Chi : Traditionnel ou Moderne ?

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Pour enseigner le Tai-Chi Chuan, faut-il privilégier une approche traditionnelle ou bien un enseignement moderne ? Quand il ne  s’agit pas d’un simple argument commercial d’autorité ou d’un pur habillage marketing, se réclamer d’une pratique ou d’un enseignement du Tai-Chi « traditionnel » paraît, de prime abord, être un gage de sérieux et engage à la confiance.

Pour ceux qui souhaitent enseigner le Tai Chi, voir notre Formation d’Enseignant de Tai-Chi.

Toutefois, à y regarder de plus près, dans l’enseignement du Tai-Chi Chuan (et de bien d’autres pratiques), le mot « traditionnel » apparaît en réalité souvent être ce que les mots « bio » ou « naturels » peuvent être à l’alimentation.

Enseignement-Tai-Chi-Traditionnel-Bio-TarentuleQu’il s’agisse d’alimentation ou de Tai-Chi Chuan, une fois affublé dudit qualificatif, l’on se contente en effet habituellement de la connotation positive du terme et l’on oublie de s’interroger sur ce qu’il recouvre ou voile dans les faits.

De même qu’un crotale, une mygale ou un scorpion sont également bio et parfaitement naturels tout en étant mortels pour l’homme, la force de l’étiquette « traditionnel » peut-elle parfois aussi, lorsqu’il s’agit d’enseigner le Tai-Chi Chuan, oblitérer une partie moins reluisante de la réalité ?

Nous essayerons de voir ici ce qu’il en est réellement dans le fond et tenterons de savoir si un enseignement strictement traditionnel ne possède pas lui aussi des aspects plus sombres généralement ignorés ou passés sous silence. Si, en sus de ses forces, un enseignement traditionnel présente bien aussi son revers de la médaille, nous nous demanderons alors quelles en sont les faiblesses.

Enseignement-Moderne-DangerAlors que le double maléfique des produits « naturels » s’incarne dans tout ce qui est présenté comme « chimique », le côté obscur des pratiques et enseignements traditionnels est implicitement placé sous le signe de tout ce qui est « moderne ».

A l’instar de la science et de la chimie qui, entre autres bienfaits, ont permis d’augmenter de manière exponentielle l’espérance de vie, nous tenterons donc également de voir quels peuvent être les avantages d’un enseignement  du Tai-Chi moderne.

Nous verrons aussi quelles en sont les caractéristiques et les faiblesses. Mais avant d’en décliner les applications pratiques, notamment dans la façon d’enseigner le Tai-Chi Chuan, nous verrons quelles sont les prémisses de l’enseignement traditionnel.

Dans cette première partie, nous commencerons par examiner le contexte culturel le plus général de la transmission dans le monde traditionnel chinois et ce qu’enseigner le Tai-Chi Chuan y signifie.

Enseigner le Tai-Chi – L’esprit de l’enseignement traditionnel

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Le traditionaliste René Guénon

Le mot tradition renvoie étymologiquement à la « transmission » (du latin « tradere » transmettre) et sous-entend généralement une forme de conservatisme excluant par définition toute modification individuelle.

Le mot chinois 传统 chuan tong signifie à la fois tradition et conservatisme et est composé de deux caractères dont le sens est, d’une part, transmettre, remettre (传 chuan), et, d’autre part, interconnexion et union (统 tong).

L’étymologie grecque du mot tradition, paradosis (de paradidomi), évoque même déjà l’idée de la préciosité de ce qui a été confié ; il s’agit non seulement de garder mais aussi de prendre soin de ce qui nous a été remis en mains propres.

Qu’il s’agisse d’enseigner le Tai-Chi ou quoi que ce soit d’autre, la tradition implique successivement la réception, la conservation et la transmission. Le récepteur de l’enseignement traditionnel est réputé être le dépositaire d’un art déjà parachevé qu’il ne lui appartient pas de modifier et qu’il doit, en son temps, retransmettre tel qu’il l’a lui-même reçu. Mieux, il doit se glorifier et mettre un point d’honneur à ne rien changer.

Tradition-Transmettre-Saint-Paul-de-TarseConfucius illustre ainsi à merveille le conservatisme de l’attitude traditionnelle lorsque, dans sa célèbre maxime, il affirme avec force « Je n’invente rien, je ne fais que transmettre ». C’est cette même inaltérabilité de la tradition qu’évoque Saint-Paul lorsqu’il dit « Je vous ai transmis ce que moi-même ai reçu ».

Dans sa dimension temporelle, la tradition est la réception (du passé) d’un bien précieux – ici une connaissance et un savoir-faire – sa conservation (aujourd’hui) et sa transmission (dans le futur).

Pour ce qui est de la pratique et de l’enseignement du Tai-Chi, cette chaîne de la transmission de la connaissance passe par sa réception depuis la génération précédente, par le disciple qui doit, à son tour, enseigner le Tai-Chi Chuan sans le modifier, puis devenir maître lorsqu’il aura transmis à l’identique son savoir à ses propres disciples.

Maîtres de Tai-Chi et disciples sont à la fois la tradition elle-même – en tant que processus global incluant toutes les générations – et les messagers de la tradition – en tant qu’acteurs temporels de ce processus.

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Enseigner le Tai-Chi et autorité du passé

Comme dans toutes les sociétés anciennes – celles de l’enseignement traditionnel – où le passé est toujours idéalisé sous une forme ou sous une autre et est la source de toute autorité, la forme la plus pure de l’art du Tai-Chi Chuan est également réputée se trouver dans le passé. Dans cette perspective, les générations actuelles et futures ne peuvent simplement que tenter de s’approcher le plus possible de cette perfection perdue.

L’idéal d’inaltérabilité de la transmission se heurtant aux contingences humaines, elle est donc, dans la pratique, considérée comme ne pouvant qu’être amenée à se dégrader. Le conservatisme de l’enseignement du Tai-Chi traditionnel a pour objectif de lutter contre son altération.

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Matrice de l’enseignement du Tai-Chi : traditionnel vs. moderne

 

A l’optimisme du « tout ira mieux demain » du progressisme, le pessimisme de la tradition oppose le « ce sera pire demain », et y répond par son « c’était mieux avant ». Dans cette perspective, enseigner le Tai-Chi Chuan devient alors avant tout un effort de conservation dont l’objectif est de limiter la dégradation due au temps et aux hommes.

Les dépositaires de la tradition, tels des chambres froides, luttent contre les changements et les dégradations du temps et enferment ses savoirs pour les protéger des influences délétères du monde extérieur. Ils gèlent et réifient les savoirs, les rites, les coutumes. La tradition idéale est celle du zéro absolu où, toute agitation moléculaire cessant, elle devient totalement figée et cesse de s’altérer.

Si la tradition est vivante dans son processus, son objet est idéalement mort et inanimé. Dans la transmission d’un maître à l’autre, d’une génération à l’autre, le danger est la rupture de la chaîne du froid de la tradition.

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Enseignement traditionnel vs. Enseignement moderne

L’esprit de l’enseignement traditionnel est en essence anti-progressiste, anti-innovation et même volontiers décliniste. Alors que pour les progressistes, le bien et le salut sont dans le futur et sont à construire, la mentalité traditionnelle conservatrice, elle, glorifie le passé, se méfie du présent et dénigre le futur.

Gulliver-Liliputiens-Maitres-Taiji-Quan-style-ChenA l’idéalisation du paradis perdu dans un lointain passé de la tradition, répond l’idéalisation du futur de la religion du progrès.

Dans la perspective traditionnelle, les pratiquants de Tai-Chi Chuan d’hier comme d’aujourd’hui, fussent-ils les plus grands maîtres de leur temps, resteront toujours des lilliputiens comparés aux ancêtres de l’art.

Lorsqu’il s’agit d’enseigner le Tai-Chi Chuan, il ne leur appartient donc pas de modifier ce qu’ils ont reçu. Quand bien même eussent-ils été de véritables innovateurs et des révolutionnaires de l’art du Tai-Chi Chuan ; quand bien même l’eussent-ils personnellement grandement perfectionné.

Ils ne s’en réclameront d’ailleurs jamais et attribueront leurs innovations et améliorations à une autorité réputée les dépasser, celle située dans le passé. Enseigner le Tai-Chi Chuan revient, dans la vision traditionnelle, du moins en théorie, à se contenter de transmettre le plus fidèlement possible ce que l’on a appris.

Contrairement à l’approche moderne, progressiste et scientifique, les maîtres de Tai-Chi d’aujourd’hui ne sont en rien des nains montés sur les épaules des géants1, mais sont à l’inverse condamnés à n’être que des nains qui, malgré des effort surhumains, n’arriveront jamais qu’à la cheville des géants du passé.

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Monter sur les épaules des géants pour enseigner le Tai-Chi ?

Il ne s’agit pas de s’appuyer sur les avancées et savoirs du passé mais de les vénérer. Le respect quasi sacré qui leur est dû implique qu’il ne faut en rien changer les savoirs et savoir-faire du passé qui, par définition, sont considérés comme impossibles à surpasser. L’autorité traditionnelle du Tai-Chi Chuan est toute entière située dans le passé, elle est l’autorité des morts, et sa grandeur est inversement proportionnelle à sa modernité.

La première autorité est celle de la génération précédente et elle va aller croissante en remontant le temps. Du passé le plus proche avec le maître de Tai-Chi direct (shifu) et le maître du maître (shiye), l’autorité va s’accroître en remontant la flèche du temps. Le respect du disciple au maître direct n’est toutefois pas simplement le respect interpersonnel à un supérieur, il est le respect à la tradition elle-même.

En effet, le maître de Tai-Chi Chuan n’est pas que le simple dépositaire et messager de la tradition, il est la tradition vivante qui incarne le paradis perdu de la connaissance suprême. Dans l’esprit traditionnel, l’autorité maximale est et restera la première, alors que dans l’esprit progressiste moderne, le summum de l’autorité de l’instant est la dernière et est appelée à être bientôt dépassée.

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Un enseignement du Tai-Chi darwiniste ?

Le maître ou savant moderne, s’appuyant sur les avancées de ses prédécesseurs, se doit d’améliorer encore ce qu’il a appris, quitte, s’il le faut, à remettre en cause les connaissances du passé et provoquer des ruptures. Il est un challenger dont l’objectif est de dépasser la plus haute autorité de son époque dans son domaine.

Lorsqu’il y parvient, il devient l’autorité elle-même, mais il sait que cela ne va pas durer et qu’elle peut être remise en cause à chaque instant.

Le maître de Tai-Chi traditionnel ne veut surtout rien changer, il n’est que le dépositaire d’un savoir indépassable qu’il doit protéger. Il n’est pas l’autorité elle-même mais son incarnation temporaire : il est un véhicule temporaire animé par le souffle ancestral de la tradition.

Là encore, tout oppose, terme à terme, les mentalités traditionnelle et moderne. Pour la première, l’autorité est distale, elle est immuable, lointaine, ancestrale, indirecte, incarnée et personnelle (parfois transcendante). Pour la seconde, l’autorité est proximale, elle est versatile, éphémère, contemporaine, proche, directe, désincarnée et impersonnelle (immanente).

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Enseigner-Tai-Chi-Matrice-Autorite-Passe
Enseigner le Tai-Chi dans la matrice traditionnelle

Maîtres de Tai-Chi du passé

Plus l’on s’éloigne dans le passé, plus l’autorité augmente et plus l’histoire se mythifie.  De proche en proche, de morts proches en morts lointains, les histoires racontées à propos des maîtres de Tai-Chi Chuan du passé – et de leur façon d’enseigner le Tai-Chi – tendent naturellement à se déformer et s’amplifier avec le temps. Les histoires deviennent légendes et les anciens maîtres des héros et des surhommes.

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Chen Zhongshen

Il est ainsi encore courant d’entendre aujourd’hui à Chenjiagou – le lieu de création du Tai-Chi Chuan – que les pratiquants d’aujourd’hui ne sont rien comparés à leurs prédécesseurs et qu’autrefois, les maîtres pratiquaient beaucoup plus et mieux que ceux d’aujourd’hui, et que leur enseignement du Tai-Chi était infiniment meilleur et autrement plus exigeant.

En un mot, que les anciens maîtres de Tai-Chi avaient plus de « gongfu » (d’habileté, de maîtrise de l’art), et, bien entendu, que leur niveau était tel qu’ils pouvaient défaire à mains nues et avec facilité, une multitude d’adversaires.

Aujourd’hui encore à Chenjiagou, la tradition orale perpétue la légende de ces maîtres du passé en relatant les faits d’armes de ces vénérables ancêtres, ainsi qu’à la fois l’excellence et la dureté de leur enseignement du Tai-Chi.

Lors de la première entrée de la Chine dans la modernité, au début du 20ème siècle, avec la vulgarisation des livres en langue courante et leur plus large diffusion, mais aussi grâce à l’ouverture des mentalités, la reconnaissance plus large du Tai-Chi Chuan, et son enseignement ouvert à tous, certaines des histoires de la tradition orale de Chenjiagou vont commencer à être transcrites à l’écrit.

Chen Zimin, dans son livre paru en 1932, en relate ainsi plusieurs. Il y décrit notamment les prouesses d’un grand maître de Tai-Chi nommé Chen Zhongshen.

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Les irrésistibles gaulois chinois de Chenjiagou

A quelques variantes près, presque un siècle plus tard, son histoire est de nos jours encore transmise et contée à l’identique à Chenjiagou.

Elle m’y a été racontée plusieurs fois, entre autres par Zheng Xu Dong, mon premier maître de Tai-Chi-Chuan style Chen Laojia « Vieille Forme » et par Chen Chun Sheng, mon maître de Tai-Chi Cuan Xiaojia « Petite Forme », la forme originelle.

Similaires dans le fond, les exploits de Chen Zhongshen m’ont ainsi été racontés de façon différente, selon le tempérament propre du narrateur : plus lyrique et prodigieuse par le premier, de manière plus prosaïque et rationnelle par le second.

Avec une armée entière s’arrêtant au seuil d’un village peuplé d’irréductibles guerriers, la légende de Chen Zhongshen à Chenjiagou n’est pas sans rappeler celle d’Astérix et Obélix.

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Les exploits d’un maître de Tai-Chi de Chenjiagou : Chen Zhongshen

A la mort de leur père, Chen Youheng (陈有恒, 1773-1819), les frères jumeaux, Chen Zhongshen (1809-1871) et Chen Jishen (1809-1865), ainsi que leur frère aîné, Chen Boshen, furent confiés à leur oncle, Chen Youben (陈有本 , 1780-1858), réputé à  Chenjiagou pour son gongfu et l’excellence de son enseignement du Tai-Chi.

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Maître Chen Youben (陈有本 , 1780-1858)

Ce dernier, considéré comme le meilleur pratiquant de son époque, fut le maître de plusieurs disciples appelés à devenir eux-mêmes des pratiquants parmi les plus reconnus de leur génération.

Chen Youben enseignera le Tai-Chi à Chen Gengyun (dont le père eut pour serviteur Yang Lu Chan qui créera le style Yang) et à Chen Qingping (陈清平, 1795-1868) qui partira vivre dans le village voisin de Zhaobao. Il y enseignera le Tai-Chi aux membres du village, puis à Wu Yu Xiang (武禹襄, 1812-1880), le créateur du style Wu. Voir l’article sur le Tai-Chi Yang, son histoire et ses origines et celui sur Yang Luchan.

Chen Zhongshen et son frère jumeau Chen Jishen – dont il est dit que même leurs voisins étaient incapables de les distinguer l’un de l’autre tant ils se ressemblaient – commencèrent, dès l’âge de trois ans, à apprendre le Tai-Chi Chuan avec leur père.

A la mort de celui-ci, noyé dans la fleur de l’âge dans le lac Dongting voisin, grâce à l’enseignement du Tai-Chi par le frère cadet de leur père, leur oncle Chen Youben, ils purent développer leur gongfu (habileté martiale).  En grandissant, Chen Zhongshen devint un Hercule dont on disait qu’il possédait le dos d’un gorille et le cou d’un tigre. Les jumeaux excellaient dans la pratique du Tai-Chi Chuan et passèrent ensemble l’examen militaire local dans les années 1830.

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Généalogie de l’enseignement du Tai-Chi style Chen, lignée de Chen Zhongshen

Au milieu du 19ème siècle, le soulèvement des Taiping (1850-1854) ravagea la Chine pendant quatre ans. Les exactions des Taiping, Orwelliens avant l’heure2 pour une insurrection dont le nom signifie « Paix Céleste », conduisirent à la mort de 20 à 30 millions de personnes. Forts à leur apogée d’environ 10 millions d’hommes, ils saccageaient, razziaient et semaient la mort dans les campagnes qu’ils traversaient, tout en recrutant au passage pour leurs armées.

Lorsqu’en 1852, après avoir traversé le Fleuve Jaune, les rebelles atteignirent les environs de Chenjiagou, Chen Zhongshen prit la tête de la milice de défense du village.

Shan-Yu-Mulan-Enseignement-Taiji-QuanLe général Taiping Yang Fu Qing, appelé « Le Roi Tête Large » 大头王, réputé partout pour son invincibilité, lança une attaque surprise contre le village de création du Tai-Chi. Il était connu pour avoir pris un canon de bronze sous son bras, puis fait feu et détruit les murailles de la ville de Wuchang.

Chen Zhongshen fit face à son attaque devant le temple taoïste du village. Ses miliciens attaquèrent avec leurs lances les chevaux des attaquants et les villageois coupèrent les têtes des cavaliers désarçonnés. Surpris de cette résistance, les rebelles préférèrent s’enfuir dans la forêt de saules.

Dans les versions orales les plus romancées, Zhongshen et son frère jumeau Jishen sortirent du village de Chenjiagou, et, grâce à l’enseignement du Tai-Chi reçu de leur oncle, défirent à eux-seuls plus d’une centaine de rebelles.

Les généraux en chef des Taiping décidèrent de capturer Chen Zhongshen. Des soldats envahirent le village à quatre heures du matin et entourèrent la maison de Zhongshen, bien décidés à le tuer. Mais aucun d’eux n’osa y entrer.

Il sortit alors, marchant lentement et majestueusement, comme si de rien n’était et comme s’il n’y avait personne. Lorsque les généraux en chef des rebelles arrivèrent sur place, ils réalisèrent qu’aucun de leurs hommes n’avait osé l’attaquer et qu’il avait réussit à s’échapper sans encombre malgré toutes leurs troupes présentes sur place.

De dépit, ils se mirent en route pour attaquer un autre village. A partir de ce jour, les postulants se pressèrent à la porte de Zhongshen, le priant tous d’accepter de leur enseigner le Tai-Chi. Les dix années suivantes, Zhongshen se distinguera par sa bravoure dans de nombreuses batailles. A son décès par maladie en 1871, il lui fut donné le nom posthume de Yingyi « Héros Juste ».

Bien que cela n’ai pas de rapport avec la façon d’enseigner le Tai-Chi, concluons cette petite histoire par une digression en constatant que le surnom de « Roi Tête Large » (litt. « Le Roi Grosse Tête ») donné au terrible général rebelle des Taiping, réputé pour sa férocité, n’est peut-être pas si anodin qu’il y paraît.

Le Roi Tête Large et Domestication

Dans son dernier livre, « The Goodness Paradox », Richard Wrangham, primatologue et anthropologue spécialiste de l’évolution à Harvard, traite notamment de la diminution progressive du dimorphisme sexuel – plus exactement de la féminisation des mâles, également constatée dans le monde animal – lors du processus d’auto-domestication de l’espèce humaine et de la réduction concomitante de la violence.

Violence-Visage-Carre-Shrek-TapieUn ensemble de modifications de traits morphologiques spécifiques accompagne la domestication et la diminution de l’agressivité. Chez l’homme et les primates, l’un de ces traits, le rapport largeur-hauteur de la tête, diminue avec la domestication. En d’autres termes, la largeur relative de la face, diminue lors du processus de la domestication et serait corrélée à la fois au taux de testostérone et à la propension à la violence.

Il cite notamment dans ses sources, une étude3 menée par des chercheurs canadiens sur des joueurs de hockey, professionnels et universitaires, et la corrélation entre comportement agressif (le temps de pénalité sur une saison) et la largeur du visage.

Un constat similaire avait d’ailleurs déjà été fait à la fin du 19ème siècle par le médecin criminologue italien C. Lombroso qui avait, entre autres, mené une étude sur les caractéristiques physiques et crâniennes de criminels européens. Il en avait notamment conclu que « chez les hommes criminels, le caractère qui prédomine est le développement énorme de la mâchoire, … »4 .

Après avoir vu, dans cette première partie, le cadre le plus général et la mentalité dans lesquels s’inscrivent les enseignements du Tai-Chi traditionnel et moderne, nous verrons, dans la seconde partie, quelle est la matrice culturelle de l’enseignement du Tai-Chi traditionnel en Chine, notamment dans ses rapports avec le culte des ancêtres. 

Lire la suite : Enseignement du Tai-Chi et Culte des Ancêtres

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Enseigner le Tai-Chi – L’esprit de l’enseignement traditionnel

Enseigner le Tai-Chi et autorité du passé

Esprit traditionnel vs. moderne dans l’enseignement du Tai-Chi

Tai-Chi et Maîtres du passé

Les exploits d’un maître de Tai-Chi : Chen Zhongshen

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Notes de l’article Enseigner le Tai-Chi I Traditionnel ou Moderne ?

  1. « Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux. » Jean de Salisbury citant son maître Bernard de Chartes.
  2. La guerre c’est la paix
  3. Source : « In Your Face: Facial Metrics Predict Aggressive Behaviour in the Laboratory and in Varsity and Professional Hockey Players », Proceedings of the Royal Society, Biological Sciences, September 2008.
  4. L’homme criminel, Cesare Lombroso, 1886 « On peut, dès à présent, constater, et la chose est facile la photographie à la main, que chez les hommes criminels le caractère qui prédomine est le développement énorme de la mâchoire, la rareté de la barbe, la dureté du regard, l’abondance de la chevelure ».

A propos Tai Chi Lyon

Disciple officiel de la lignée du Tai Chi Chuan originel de Chenjiagou (lieu de création du Tai Chi) sous le nom Pengju 鹏举, j'ai passé plusieurs années en Chine à me former et pratiquer avec Maître Zheng Xu Dong et pratique ces dernières années la Xiaojia avec des maîtres de Chenjiagou (disciples directs du célèbre Chen Kezhong).