Art Martial Interne - Tai Chi Lyon

Qu’est-ce qu’un art martial interne ? – neijia quan 内家拳

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Qu’est-ce qu’un art martial interne ?

Nous nous étions déjà interrogé sur les liens supposés entre Tai Chi et Médecine Chinoise, et Tai Chi et Yangsheng (Nourrir la Vie), nous verrons dans le présent article ce qu’il faut entendre exactement lorsque l’on parle d’art martial interne.

Art Martial Interne : origine du terme

La première trace écrite connue du mot Art Martial Interne (Neijia Quan 内家拳), datée de la fin du 17ème siècle, est celle retrouvée dans l’épitaphe d’un boxeur nommé Wang Zhengnan. L’éloge funéraire, rédigé en 1769 par le célèbre lettré et loyaliste Huang Zongxi, est le premier à distinguer et séparer les arts martiaux internes et arts martiaux externes Waijia Quan 外家拳 et mentionne également pour la première fois la frappe sur des points vitaux de l’acupuncture. Tombé dans l’oublie pendant plus de deux siècles, le terme « Art Martial Interne » va être redécouvert et devenir populaire dans les années 1920 lors la période Républicaine.

Art martial interne vs. art martial externe

La culture et la langue chinoise s’attachent souvent, par un processus parfois appelé parallélisme (directement issu de la cosmologie corrélative chinoise), à décrire et classifier la réalité par une opposition entre deux termes opposés (dont le binôme le plus connu est celui du Yin Yang).

Ainsi, dans le domaine des arts martiaux chinois, distingue t-on les arts martiaux externe 外家拳 waijia quan, des arts martiaux internes 内家拳 neijia quan (dont fait partie le Tai Chi Chuan). Les représentants les plus célèbre des arts martiaux internes sont le Taijiquan, le Xingyiquan et le Baguazhang. Le plus connu des arts martiaux externes chinois est bien entendu la boxe de Shaolin. Pour en savoir sur les liens historiques entre les deux, voir l’article Tai Chi Chuan et Shaolin.

Le premier regroupe tous les arts martiaux poings-pieds classiques, généralement appelés Kungfu dans les pays occidentaux (qu’il serait plus juste d’appeler Wushu), dont les méthodes d’entraînement (et même une grande part des techniques fondamentales) sont peu ou prou les mêmes que celles d’arts martiaux plus connus comme le Karaté ou le Taekwondo.

Le second groupe se distingue du premier non pas dans sa finalité, mais par les moyens de l’atteindre. C’est à cette seconde famille, celle des arts martiaux internes, qu’appartient le Tai Chi Chuan. Cette approche particulièrement originale de la pratique martiale est unique à la culture chinoise.

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Art martial interne et sens proprioceptif

L’approche des arts martiaux internes diffère des autres en ceci qu’elle ne cherche pas à atteindre directement sa finalité martiale, mais indirectement.

Tai Chi Lyon Yin Yang Taijitu Ancienne Version Lai Zhi De - Diagramme Taichi C’est en effet en passant par le développement du sens intérieur – le sens proprioceptif (ou sens kinesthésique interne) – que le Tai Chi Chuan va s’attacher à perfectionner sans cesse la performance externe.

En retour, l’amélioration des mouvements extérieurs va permettre une perception interne encore accrue. Tout le travail du pratiquant sera au final de faire des allers-retours entre, d’un côté, gestuelle, structure corporelle et mouvements externes et, de l’autre, sensations internes. Plus le travail sera fin et subtil, plus il sera possible d’utiliser l’intention (i.e. la conscience dans le mouvement) pour diriger les mouvements.

Le développement du sens proprioceptif, du sens intérieur, n’a rien de magique ni de mystérieux. Quand il n’est pas tout bonnement occulté par les sens extérieurs, il est un sens généralement sous-exploité. Comme toute habileté, il se travaille, se développe et se perfectionne par la pratique.

Comme je le dis souvent lors des cours, le processus de développement du sens intérieur est équivalent à celui par lequel doit passer un oenologue qui développe et affine lui ses sens du goût et de l’odorat. Le processus et l’apprentissage sont dans les deux cas de même nature, il s’agit de développer une capacité que tout un chacun possède naturellement. Le développer et l’affiner passe par un entraînement adéquat.

Voir les témoignages de participants sur les sensations qu’ils ont réussit à développer lors du stage Essence Interne : Témoignages Stage Essence Interne du Tai Chi Chuan. 

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L’art martial interne dans le temps

Art Martial Interne Chinois Tai Chi Lyon Vieux Maitre Chinois Chenjiagou Enfants
Taijiquan à Chenjiagou

Même si, comme pour toute pratique, chaque personne a plus ou moins de prédispositions naturelles (et parfois même circonstancielles), l’accès à ce sens intérieur est à la porté de tous. Associé à une pratique avec des posture hautes (c.à.d. son aspect externe), le Tai Chi Chuan est un art martial interne accessible à tous et où l’âge n’est en rien une barrière.

Bien entendu, plus tôt sera commencée la pratique d’un art martial interne, plus on aura de temps de perfectionnement devant soi et plus loin l’on pourra aller dans le développement du sens intérieur et de la coordination et de l’efficacité externe.

Mais, alors qu’un pratiquant d’art martiaux externes, comme tout sportif, voit peu à peu ses performances se dégrader avec l’âge, le pratiquant d’art martial interne et de Tai Chi Chuan voit lui au contraire ses capacités et ses performances se développer dans le temps, quel que soit celui auquel il a commencé à pratiquer.

Dans la pratique, la première étape de l’enseignement est d’abord externe, le travail interne ne venant que dans un  second temps. Une expression classique du Tai Chi style Chen résume bien les premières étapes de la progression d’un art martial interne : au début, c’est l’externe qui « tire » l’interne, puis c’est l’interne qui « pousse » l’externe.

Vouloir commencer par un travail interne, ou même lui accorder une importance telle qu’il perd tout lien avec le travail externe,  est une erreur majeure qui ne conduit nulle part. 

Cela revient à vouloir pratiquer un Qi Gong artificiellement encapsulé dans une forme de Tai Chi Chuan. Cette approche, à rebours de l’esprit même de la pratique authentique et des objectifs du Tai Chi, ne peut que mener à des dérives et à un appauvrissement progressif du Tai Chi Chuan. Cela conduit à amputer le Tai Chi Chuan de son aspect yang.

Il n’y a pas de yin sans yang ni de yang sans yin. Par ailleurs, de même qu’un mauvais yang ne pourra que produire un mauvais yin, un mauvais yin ne produira qu’un mauvais yang.

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Un art martial interne… un coup de génie !

Art Martial Interne - Beijingtu Carte Taoiste du Corps - Yangsheng Tai Chi Lyon
Carte interne du corps

Le véritable coup de génie de Chen Wang Ting, le créateur du Tai Chi Chuan – et sans doute du premier art martial interne – aura été de combiner une forme externe – celle du style de Kungfu familial associé aux meilleures technique de l’époque –  avec le travail interne issu des pratiques religieuses taoïstes de Longue Vie.

Ce détournement des acquis et techniques des pratiques méditatives et corporelles du neidan (l’Alchimie Intérieure) à d’autres fins que la recherche de l’immortalité taoïste fut une révolution.

Pour en savoir plus sur cette quête de l’immortalité chez les taoïstes et sur les liens supposés entre Tai Chi et Yangsheng (Nourrir la Vie), voir l’article : Tai Chi et Yangsheng

Comme souvent après coup, cette créativité incroyable, celle consistant à associer deux domaines qu’a priori tout semblait opposer, parait triviale et devient comme une évidence. Pourtant, aussi évidente que l’innovation puisse paraitre une fois connue, elle fut en réalité un coup de maître auquel personne n’avait jamais pensé auparavant.

Cette « rupture technologique » dans un savoir traditionnel, comme beaucoup d’autres avant elle, fut d’abord une entorse à la tradition, c.à.d. à la transmission fidèle et inchangée de ce que l’on avait appris. 

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Art martial interne et lenteur

Notons pour conclure que, pour poursuivre notre analogie, tout comme un oenologue serait bien incapable de discerner quelque saveur que ce soit d’un vin s’il le buvait goulûment et ne le dégustait pas lentement, il en va de même pour le pratiquant de Tai Chi.

Le pratiquant d’un art martial interne et de Tai Chi Chuan doit en effet lui aussi  apprendre à « savourer ses sensations intérieures » et cela passe nécessairement par la lenteur de sa pratique. 

La condition sine qua non au travail et à l’amélioration du sens intérieur est donc que la pratique du Tai Chi se fasse lentement. Voir Pourquoi le Tai Chi se pratique t-il lentement ? La pratique d’un art martial interne nécessite non seulement la lenteur de la pratique, mais également la souplesse et le relâchement.

Nous reviendrons dans un article dédié sur la question du relâchement (song), mais signalons déjà  que la souplesse et le relâchement sont eux à la fois un moyen et un objectif de la pratique (contrairement à la lenteur qui n’est pas une fin en soi). De fait, l’objectif final est de pouvoir être rapide tout en étant extrêmement coordonné (comme le veut le dicton : une partie du corps bouge, tout le corps bouge). Une fois l’objectif de coordination extrême atteint, l’on peut alors se passer de la lenteur et pratiquer plus vite, mais la lenteur, si elle n’est qu’un moyen, est dans la pratique des arts martiaux internes, la condition sine qua none préalable à la pratique rapide.

Tai Chi Lyon Yin Yang Taijitu Ancienne Version Lai Zhi De - Diagramme Taichi La lenteur de la pratique des arts martiaux internes n’est pas un objectif en soi mais elle est le moyen nécessaire à toute pratique interne, au développement du sens proprioceptif. Il n’y a pas de pratique interne sans pratique lente, pas d’art martial interne sans lenteur.

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Stage Essence Interne du Tai Chi Chuan

Le stage organisé chaque année par l’association Chuan Tong à Lyon est une excellente  initiation au travail interne à la porté de tous. Détails et inscriptions : Essence Interne du Tai Chi Chuan 

L’objectif de cette formation en deux week-ends est de transmettre les clefs de la dynamique interne du Ta Chi Chuan traditionnel. Il s’agit à la fois d’un Qi Gong simple qui peut être pratiqué de manière indépendante (dans un objectif prophylactique et d’entretien de la santé) – mais aussi de la base essentielle à toute pratique interne pour les pratiquants de Taijiquan.

Complément indispensable aux cours hebdomadaires de Tai Chi Chuan, ce cycle vise en effet, par le travail des cercles internes et externes, à développer à la fois le sens proprioceptif central et le travail de l’intention des mains. C’est par la création de ce lien interne-externe et l’accent mis sur l’équilibre des forces, que se réalise pleinement le lien direct entre cercles proximaux (circulation dans le corps) et cercles distaux (mains).

Apprendre et Enseigner le Tai Chi style Chen

Pour en savoir plus sur les étapes de l’apprentissage et la méthodologie d’enseignement du Tai-Chi style Chen, voir la série d’articles dédiés et notamment :

Art martial interne – Pour en savoir plus 

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Art martial interne sur internet

Conférence de Catherine Despeux sur les Origines et les Fondements Théoriques de la Médecine Traditionnelle Chinoise

Pour une vision romancée de la médecine chinoise, le documentaire ARTE : Qi, sur les traces de la médecine chinoise

Le livre (trad. en anglais) de Chen Xin (Chen Pinsan) en lecture en ligne  : Le Livre illustré du Tai Chi Chuan style Chen (Chen Shi Taiji quan Tushuo)

Sur les origines de l’alchimie intérieure (PDF) : Inner Alchemy: Notes on the Origin and Use of the Term neidan.

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Art martial interne – origine du terme

Art martial interne vs. art martial externe 

Art martial interne et sens proprioceptif 

L’art martial interne dans le temps 

Un art martial interne…un coup de génie ! 

Art martial interne et lenteur 

Stage art martial interne 

A propos Tai Chi Lyon

Disciple officiel de la lignée du Tai Chi Chuan originel de Chenjiagou (lieu de création du Tai Chi) sous le nom Pengju 鹏举, j'ai passé plusieurs années en Chine à me former et pratiquer avec Maître Zheng Xu Dong et pratique ces dernières années la Xiaojia avec des maîtres de Chenjiagou (disciples directs du célèbre Chen Kezhong).